Accident du trajet : pas de faute inexcusable

Durant le trajet, il n’y a pas de lien de subordination, puisque le salarié organise librement les modalités par lesquelles il rejoint ou quitte son lieu de travail.
La faute inexcusable de l’employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat, révélée par un accident du travail ou une maladie professionnelle. Parce que l’accident du trajet d’un salarié échappe à ce cadre, la faute inexcusable de l’employeur ne peut être engagée. Explications.
Lorsque l’accident survient, pour un salarié en mission, il n’y a pas de fatalité. L’employeur aurait dû avoir conscience d’un danger et n’a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir. Lorsque la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, la victime obtient, outre les prestations auxquelles elle avait déjà droit en application du Code de la Sécurité sociale, une indemnisation complémentaire, à la charge de l’employeur. Cette indemnisation complémentaire concerne la majoration de rente ou de capital versée par la Sécurité sociale (article L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale). L’article L. 452-3 de ce même Code prévoit l’indemnisation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément et de la perte de chance de promotion professionnelle.
Mais qu’en est-il lors d’un accident du trajet, la responsabilité de l’employeur peut-elle être recherchée ?
DÉFINITION
La Cour de cassation a fixé la jurisprudence en la matière. La définition de la faute inexcusable repose sur un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, qui est une obligation de résultat. Cette obligation de sécurité à la charge de l’employeur s’applique aux salariés sur le(s) lieu(x) du travail et durant les horaires d’activité. Elle cesse dès lors que les salariés ne sont plus sous l’autorité de leur employeur, c’est-à-dire lorsque le salarié peut vaquer librement à ses occupations. L’autorité de l’employeur sur le salarié ne s’applique plus durant cette période, il n’y a plus de lien de subordination.
Durant le trajet, il n’y a pas de lien de subordination, puisque le salarié organise librement les modalités par lesquelles il rejoint ou quitte son lieu de travail. Par conséquent, il n’est pas possible de reprocher à l’employeur de ne pas avoir eu conscience du danger auquel le salarié s’est trouvé exposé et de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour le protéger, au titre de son obligation générale de sécurité au travail. Et cela même si, comme dans l’illustration relatée ci-dessous, l’employeur a enfreint les règles légales sur le repos quotidien minimum. Durant le trajet domicile-travail, le salarié est en effet le seul responsable de sa sécurité.
Cas d’un accident du trajet après travail de nuit
Ainsi, dans une affaire traitée par la Cour de cassation, en 2010, une salariée, travaillant de nuit est victime d’un accident de la circulation. Sur convocation de son employeur, elle se rendait dans l’entreprise en début d’après-midi, pour assister à un audit. L’accident est pris en charge comme un accident de trajet. La salariée estime que l’accident est dû à la fatigue engendrée par le manque de repos entre deux périodes de travail. Pour elle, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en la faisant revenir au travail sans qu’elle ait eu au moins 11 heures de repos entre la fin de son travail de nuit et cette reprise du travail. Elle demande à la justice que soit reconnue une faute inexcusable de son employeur. La Cour de cassation rappelle que c’est impossible : « L’employeur n’est tenu envers le salarié d’une obligation de résultat qu’au temps et au lieu du travail ; qu’en l’état d’un accident de trajet, la faute inexcusable de l’employeur n’a pas lieu d’être recherchée sur le fondement de l’article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale qui n’est applicable qu’aux accidents du travail […]. Elle précise pourtant : l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » (Cour de cassation chambre civile 2, audience publique du jeudi 8 juillet 2010, n° de pourvoi : 09-16180).
Au final, cela ne signifie pas que l’employeur ne doit pas respecter les règles, telles que le repos hebdomadaire, ou ne pas prendre des mesures en cas de danger connu par lui. Prenons l’exemple d’un salarié conduisant son véhicule en dehors des heures de travail sans permis de conduire, pour venir au travail. Dans cette hypothèse, il doit informer le salarié qu’il ne peut pas conduire, mais en aucun cas il ne peut sanctionner à titre disciplinaire le salarié. Si, dans ce cas, l’employeur ne prend pas de mesure, alors qu’il a connaissance d’un danger pour le salarié durant son temps de trajet, c’est au titre de sa responsabilité civile classique, comme tout un chacun, qu’il pourrait se voir poursuivi, mais pas en tant qu’employeur.
Accidents du trajet ou de travail : définitions
- L’accident du travail, quelle qu’en soit la cause, est l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
- L’accident de trajet est l’accident survenu au salarié pendant le trajet aller et retour :
- – entre son lieu de travail et sa résidence principale ou une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le salarié se rend de façon habituelle, pour des motifs d’ordre familial ;
- – entre son lieu de travail et le restaurant, la cantine, ou tout autre lieu où le salarié prend habituellement ses repas.
Le trajet doit avoir lieu dans un temps « normal », c’est-à-dire avant et après les heures de travail, sauf heures supplémentaires réclamées par l’employeur.
Enfin, il doit s’agir d’un itinéraire « normal », c’est-à-dire du trajet le plus direct. En principe, le trajet ne doit pas être interrompu ou détourné. Le détour et l’interruption seront admis s’ils sont justifiés par l’emploi, par le covoiturage et par des nécessités de la vie courante, telles que l’achat de nourriture ou de soins médicaux. S’il ne s’agit pas d’un itinéraire « normal », l’accident sera considéré au titre de la vie privée du salarié.
Nota Bene : peu importe qu’un accident automobile durant le trajet ait lieu avec un véhicule d’entreprise ou le véhicule du salarié. Cela n’influe pas sur le qualificatif de l’accident qui reste un accident de trajet.
Retrouver cet article dans le numéro 413 de la revue d’information et d’analyse de la réglementation routière :« La Prévention Routière dans l’Entreprise »